11 livres les plus lus par les 70-80 ans : qu’ils considèrent comme des chefs-d’œuvre mais que les jeunes trouvent impossibles à lire

Votre grand-père, ancien professeur de lettres, vous confie qu’il entreprend une nouvelle lecture de La Montagne magique. Votre mère, passionnée de littérature, vous recommande chaleureusement Les Frères Karamazov, « un roman qu’il faut lire au moins une fois dans sa vie ». Vous souriez poliment, tout en songeant au polar contemporain qui vous attend sur votre liseuse.
Ces ouvrages ne sont pas de simples livres : ils représentent une frontière invisible entre ceux qui lisent par curiosité et ceux qui lisent par vocation. Ce que la génération des 70 / 80 ans cultivés tenait pour une expérience formatrice, presque un rite intellectuel, semble aujourd’hui relever de l’endurance.
Ces romans demandent patience, lenteur et immersion totale, des qualités devenues rares à l’époque des notifications et des récits immédiats. Pourtant, pour ceux qui s’y abandonnent, ils offrent une profondeur et une beauté que peu d’œuvres modernes égalent — une récompense à la mesure de l’effort qu’ils exigent.
1. Guerre et Paix de Léon Tolstoï

Souvent qualifié de « roman total », Guerre et Paix embrasse tout à la fois : la guerre, l’amour, la société, la philosophie et le destin de l’humanité. Tolstoï y déploie des centaines de personnages, des réflexions historiques et des digressions métaphysiques sur la liberté et la fatalité. Chaque chapitre semble vouloir contenir la totalité du monde.
Pour les lecteurs de la génération d’après-guerre, c’est le sommet de la littérature classique, le symbole d’une culture nourrie de patience et de profondeur.
Pour les lecteurs d’aujourd’hui, c’est un monument intimidant : un roman de deux mille pages, où l’on se perd parmi les patronymes russes avant même d’avoir compris qui combat qui.
2. Ulysse de James Joyce
Publié en 1922, le chef-d’œuvre de Joyce demeure l’Everest de la littérature moderniste. Chaque chapitre adopte un style distinct, parfois radicalement différent du précédent.
Les passages en flux de conscience exigent une véritable endurance : l’un d’eux se présente comme un monologue de soixante pages, sans aucune ponctuation, restituant le flot ininterrompu des pensées d’un après-midi entier.
Les lecteurs de la génération d’après-guerre évoquent avec ferveur le Bloomsday et la révolution stylistique que représente le roman. Pour eux, terminer Ulysse relève du rite de passage intellectuel. Les jeunes lecteurs, eux, abandonnent souvent avant le troisième chapitre, lorsque Joyce plonge soudain dans un monologue intérieur sans repère narratif.
Ce livre récompense l’effort. Il est aussi exigeant qu’épuisant, bien loin du rythme fluide et accessible des romans contemporains.
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3. Moby Dick de Herman Melville

Tout le monde connaît l’histoire principale : un capitaine obsédé traque la baleine blanche. Ce que beaucoup ignorent, c’est que Moby Dick n’apparaît véritablement que dans les derniers chapitres, et sur une trentaine de pages d’un roman qui en compte plus de six cents.
Entre deux épisodes narratifs, Melville s’abandonne à des chapitres entiers d’une minutie presque scientifique : descriptions anatomiques des cétacés, considérations économiques sur la chasse, méditations sur la blancheur, ou encore inventaire des différentes espèces de baleines. Le livre oscille ainsi entre roman d’aventure, traité maritime et essai métaphysique.
Les lecteurs de la génération des Trente Glorieuses y voient une vaste méditation sur l’obsession et la connaissance. Les autres se demandent simplement pourquoi personne n’a eu l’idée d’en faire une version abrégée.
4. L’Arc-en-ciel de la gravité de Thomas Pynchon
Paru en 1973, ce roman monumental consacré aux fusées V-2 pendant la Seconde Guerre mondiale est devenu une légende de la littérature américaine contemporaine — et aussi l’un de ses plus grands défis de lecture.
L’intrigue se disperse en une multitude de personnages, de lieux et de digressions. Les scènes passent de la réalité à l’hallucination sans avertissement. Des considérations techniques sur la physique côtoient un humour absurde et parfois dérangeant. À un moment donné, une ampoule semble devenir consciente. L’ensemble refuse obstinément toute structure narrative traditionnelle.
Les lecteurs passionnés de la génération d’après-guerre louent l’ambition, la richesse symbolique et la modernité visionnaire de Pynchon. La plupart des lecteurs plus jeunes, eux, abandonnent au bout d’une centaine de pages, épuisés par la densité et la confusion apparente du récit.
5. Le Rouge et le Noir de Stendhal

Publié en 1830, ce roman d’apprentissage raconte l’ascension et la chute de Julien Sorel, jeune ambitieux en quête de reconnaissance dans la société rigide de la Restauration. Stendhal mêle passion, ambition, hypocrisie sociale et introspection psychologique dans une prose analytique et précise.
Pour les lecteurs formés à la rigueur du XIXᵉ siècle, ce livre est un miroir de la passion et de la réussite, une étude magistrale des désirs humains et de la lutte contre les conventions.
Pour beaucoup de lecteurs plus jeunes, il semble figé dans une lenteur d’un autre âge : trop de descriptions, trop d’introspection, pas assez d’action.
6. L’Infinie Comédie de David Foster Wallace
Avec plus de mille pages et trois cent quatre-vingt-huit notes de fin – dont certaines comportent leurs propres notes – le roman de Wallace, publié en 1996, met à rude épreuve même les lecteurs les plus endurants. Le récit alterne entre une académie de tennis et un centre de désintoxication, entremêlant satire, tragédie et réflexions métaphysiques.
La prose oscille entre clarté lumineuse et complexité labyrinthique. Certaines pages exigent plusieurs relectures, la chronologie se brouille volontairement, et les incessants allers-retours entre le texte principal et les notes perturbent la fluidité du récit.
Les lecteurs de la génération d’après-guerre y voient un monument littéraire qui capture comme nul autre l’aliénation contemporaine et la surcharge d’informations. Les lecteurs plus jeunes, eux, publient surtout des photos de leur marque-page figé autour de la page 200, souvent avant d’abandonner.
7. La Montagne magique de Thomas Mann

Publié en 1924, ce roman monumental raconte le séjour prolongé de Hans Castorp dans un sanatorium pour tuberculeux, au cœur des Alpes suisses. Parti pour trois semaines, il y restera sept ans – tout comme le lecteur, parfois.
Le roman se déploie dans un temps suspendu, rythmé par d’interminables discussions philosophiques sur la maladie, la mort, le progrès ou la spiritualité. Le récit progresse lentement, presque immobile, reflétant la déconnexion du héros d’avec le monde extérieur.
Les lecteurs de la génération des 70 / 80 ans admirent la profondeur intellectuelle et la méditation sur le temps. Les lecteurs contemporains, habitués à une narration plus vive, peinent à y trouver un fil narratif et s’y perdent dans la lenteur hypnotique du texte.
8. Le Bruit et la Fureur de William Faulkner
Publié en 1929, ce roman expérimental retrace la déchéance d’une famille sudiste à travers quatre voix différentes. La première partie, écrite du point de vue d’un personnage atteint de troubles cognitifs, plonge le lecteur dans un chaos de pensées, de souvenirs et de temporalités qui s’entrecroisent sans avertissement.
Les sections suivantes ne simplifient guère la lecture : un monologue avant un suicide, un récit plus linéaire, puis un narrateur externe tentant de rassembler les fragments épars. Comprendre l’histoire réelle exige un effort considérable, presque archéologique.
Les lecteurs de la génération d’après-guerre saluent Faulkner comme un génie de la narration éclatée et du langage poétique. Les lecteurs d’aujourd’hui, eux, comparent souvent la lecture à la résolution d’une énigme sans indices – fascinante, mais épuisante.
9. À la recherche du temps perdu de Marcel Proust

Composé de sept volumes et dépassant les trois mille pages, le roman de Proust demeure l’une des entreprises littéraires les plus monumentales jamais écrites. Une seule phrase peut s’étirer sur près d’un millier de mots. Dès les premières pages, la dégustation d’une madeleine déclenche une cascade de souvenirs et de réflexions qui s’étend sur plusieurs chapitres.
Tout dans cette œuvre repose sur la mémoire, la perception et la lente cristallisation du passé. L’intrigue avance à pas feutrés, parfois à peine perceptibles. Les salons mondains, les conversations, les impressions sensorielles prennent la place de l’action. Ce qui compte n’est pas ce qui se passe, mais la manière dont c’est ressenti, analysé, recomposé par la conscience.
Les lecteurs de la génération d’après-guerre, nourris de culture classique, parlent de Proust avec une admiration presque religieuse, comme d’un sommet à gravir une fois dans sa vie. Les lecteurs contemporains, eux, s’arrêtent souvent à Du côté de chez Swann, charmés par la madeleine mais épuisés avant la fin du premier volume.
10. La Condition humaine d’André Malraux
Publié en 1933, ce roman philosophique et politique est l’un des textes majeurs du XXᵉ siècle. Il explore les choix, les responsabilités et la condition morale des hommes plongés dans la révolution chinoise de 1927, mêlant intensité dramatique et réflexion existentielle.
Les lecteurs de la génération d’après-guerre l’ont lu avec ferveur, fascinés par la profondeur des personnages et la puissance de l’écriture. Les lecteurs contemporains, eux, trouvent souvent le style dense et la portée morale pesante, peinant à s’immerger dans les longues méditations sur le destin et l’engagement.
11. Les Misérables de Victor Hugo

Cette épopée monumentale du romantisme français mêle histoire sociale, tragédie et humanisme à travers les destins de Jean Valjean, Cosette et Javert. Hugo y développe des digressions sur la justice, la pauvreté, l’éducation et la rédemption, faisant du roman bien plus qu’une simple histoire d’aventure.
Pour les lecteurs de la génération d’après-guerre, Les Misérables était une œuvre incontournable, transmise de main en main comme une référence culturelle.
Les lecteurs modernes, eux, préfèrent souvent l’adaptation musicale ou les versions abrégées, découragés par le pavé de plus de mille cinq cents pages et ses digressions historiques et philosophiques.
Réflexions finales
Ces livres ont acquis leur réputation pour une raison. Joyce a révolutionné le roman, l’ambition de Melville reste stupéfiante, les subtilités psychologiques de Proust continuent d’influencer la littérature moderne, et la profondeur humaniste de Victor Hugo inspire encore des générations d’écrivains, tandis que les techniques narratives de Faulkner ont marqué durablement l’écriture. Chacun, à sa manière, a repoussé les limites de ce que la littérature peut accomplir.
Mais les défendre exige de comprendre ce que les lecteurs plus jeunes perçoivent instinctivement : la valeur littéraire et la lisibilité ne se situent pas sur le même axe. Un livre peut être profondément important tout en étant difficile, voire exigeant, à terminer.
Les évolutions culturelles et le rythme de lecture contemporain qui rendent ces romans plus ardues n’enlèvent rien à leur grandeur ni à leur pertinence.
Les lecteurs de la génération d’après-guerre ou des Trente Glorieuses, qui chérissent ces œuvres, n’ont pas tort de les considérer comme des chefs-d’œuvre.
Les lecteurs plus jeunes, qui privilégient des textes plus accessibles ou immédiats, n’ont pas non plus tort. Ces deux approches reflètent simplement des manières différentes de vivre la lecture et d’apprécier la littérature.
Ce texte a pu être partiellement rédigé avec l’aide d'une IA.




